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Des bactéries venues d’ailleurs résistantes aux antibiotiques |
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Depuis quelques années, on a pu observer la diffusion très rapide d’infections virales importées en Europe, telles que le VIH, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), le chikungunya, et, actuellement, le virus de la grippe A(H1N1). Face à ces infections très médiatisées, il ne faut pas sous-estimer d’autres risques comme l’introduction de bactéries (multi)résistantes aux antibiotiques dont la diffusion constitue un des phénomènes émergents majeurs de ces trente dernières années.
Les niveaux très élevés de la résistance des bactéries qui sont observés actuellement résultent en grande partie de l’exposition massive aux antibiotiques à laquelle ont été soumis les humains et les animaux au cours des cinquante dernières années. « Ces résistances affectent non seulement les bactéries pathogènes mais aussi, et probablement même beaucoup plus, les bactéries commensales qui colonisent les individus et qui sont moins facilement repérables car le portage ne s’associe à aucun signe clinique », précise le Pr Patrick Choutet (CHU de Tours). Les niveaux de résistance ne sont pas égaux dans tous les pays et certaines zones géographiques sont plus touchées que d’autres. La diffusion globale de tel ou tel type de résistance est ensuite facilitée par l’intensité des échanges internationaux et la mondialisation qui ont accru les déplacements humains, mais aussi ceux des animaux et des produits de l’agriculture dérivés.
La France est le numéro un mondial au titre des arrivées de touristes internationaux, avec plus de 80 millions de voyageurs. De plus, le rapatriement sanitaire de Français hospitalisés à l’étranger, mais aussi les simples retours de voyage et la prise en charge sanitaire d’étrangers en voyage en France, quelle que soit leur nationalité, exposent la population française à des bactéries qui ont acquis une multirésistance aux antibiotiques dans des zones de haute prévalence.
À l’heure actuelle, ce risque d’émergence et de diffusion à partir des brassages de population est mal évalué quantitativement en France. On sait toutefois qu’il est réel et des événements sporadiques ou épidémiques ont été observés. Ils concernent plusieurs pathogènes et peuvent aboutir à des impasses thérapeutiques.
Une situation épidémiologique à surveiller de près.
Mycobacterium tuberculosis est désormais multirésistant aux antibiotiques. Plus de 5r01;500 cas de tuberculose ont été notifiés en France en 2007 et 47 % des patients concernés étaient nés à l’étranger. La situation française est en effet étroitement dépendante de l’endémie dans les pays pauvres et de l’infection par le VIH.
Clostridium difficile (CD) de ribotype 027, a été importé en Europe depuis le Canada et les États-Unis en 2003. En France, des cas groupés d’infections ont été signalés en 2006. L’émergence en Europe est associée à une morbidité et une mortalité supérieures aux souches habituellement isolées. La résistance serait corrélée à la très forte augmentation des fluoroquinolones dans les années qui ont précédé ce phénomène, et la surveillance et le contrôle des infections à CD est devenu une priorité nationale depuis 2006.
De même, l’émergence d’entérobactéries résistantes au carbapénème depuis les années 1990 est inquiétante. Les souches sélectionnées appartiennent essentiellement à l’espèce Klebsiella pneumoniae productrice de carbapénèmase (KPC). En Europe, le phénomène semble rare, mais la France porte une attention particulière à l’importation de ce type de bactéries à partir de voyageurs rapatriés ou ayant été hospitalisés dans un pays de haute prévalence (États-Unis, Grèce). La diffusion d’Acinetobacter baumannii, naturellement résistante à de nombreux antibiotiques, est particulière car cette bactérie saprophyte de l’homme vit essentiellement dans l’environnement, et son réservoir varié peut être difficile à mettre en évidence. Les infections concernent surtout les patients hospitalisés en réanimationr01;; il convient d’être vigilant dans les services d’hospitalisation avec les voyageurs ou les Français ayant été hospitalisés à l’étranger. La résistance des entérocoques aux glycopeptides (ERG) a émergé d’abord aux États-Unis (30 % des cas d’infections à entérocoques) et, plus récemment, en Europe, où la situation est hétérogène. En France, il est probable que l’interdiction d’utilisation des dérivés des glycopeptides comme promoteurs de croissance en élevage et l’utilisation parcimonieuse de vancomycine en médecine humaine ont protégé la population d’une explosion des ERG. Mais le contrôle de ce phénomène doit être considéré comme un enjeu de santé publique, même si seulement de rares cas de colonisations ont été signalés.
« L’efficacité d’interventions, comme le contrôle des voyageurs aux aéroports, la restriction des voyages et d’autres mesures communautaires demeurent incertaines, estiment les experts scientifiques, les migrations humaines vont continuer et la principale mesure de maîtrise reste la réduction de l’utilisation des antibiotiques, tant en médecine humaine et vétérinaire qu’en élevage et en agriculture. »
D’après une conférence de l’Académie nationale de médecine.
Le Quotidien du Pharmacien |
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