Alzheimer : un grand défi pour la médecine
Publié par hammar le Mai 07 2010 11:54:05
La maladie touche 135,6 millions de personnes aujourd'hui dans le monde, dont près d'un million en France.

Première cause de dépendance et première cause de dé­pense santé des seniors, la maladie d'Alzheimer, aussi fréquente soit-elle, n'a rien à voir avec le vieillissement normal du cerveau. «Même si la maladie frappe environ 20% des plus de 80 ans, cela fait plus des trois quarts des octogénaires qui ne présentent aucun symptôme, rappelle le Pr Bruno Dubois, directeur du futur Institut de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer (hôpital La Pitié-Salpêtrière à Paris). C'est donc la preuve qu'il s'agit d'une maladie à part entière. Une maladie qui efface les nouveaux souvenirs et altère le jugement. De quoi compromettre sérieusement l'autonomie et compliquer la vie de la famille.»

À l'exception de 0,3% des malades, qui présentent une forme précoce de la maladie en raison d'une mutation génétique, on ne sait toujours pas pourquoi la maladie d'Alzheimer se produit. Mais on sait au moins que l'accumulation de protéines anormales dans le cerveau sous-tend cette maladie. Certaines de ces protéines, appelées «bêta-amyloïdes », qui s'accumulent sous forme de plaques entre les cellules du cerveau, empêchent les neurones, notamment ceux impliqués dans la mémoire, de communiquer normalement entre eux. D'autres (les protéines tau), à l'intérieur des cellules, se présentent sous formes de filaments qui conduisent à l'asphyxie des neurones.

«C'est pourquoi toute la recherche actuelle se concentre sur les moyens de détruire ces plaques : parmi les quelque 20 molécules actuellement testées dans les labora­toires sortiront probablement les médicaments de demain. Nous menons aussi une étude avec un traitement dirigé contre ces dépôts. Ses résultats seront connus dans trois ans », fait remarquer le Pr Dubois. La recherche s'intéresse aussi au moyen d'en finir avec les filaments de la protéine tau : c'est la nouvelle piste explorée notamment (mais pas seulement) par le Pr Baulieu et son équipe (Inserm). L'objectif commun de ces médicaments du futur : empêcher la mort des précieux neurones.

Énergies mobilisées

C'est tout le paradoxe de la maladie d'Alzheimer : même si la course aux nouveaux traitements est bien avancée, on ne sait pas bien la diagnostiquer, sauf post mortem, mais ce n'est évidemment pas la solution. On ne sait pas non plus comment la prévenir. Ni même comment l'expliquer !

En fait, faute de recherche bien organisée jusqu'ici, on manque de données fiables, et donc de réponses à ces questions : existe-t-il des signes précurseurs de la maladie - bien avant les troubles de la mémoire gênants - et vers quel âge apparaissent-ils ? Y a-t-il une concordance entre les symptômes décrits par les malades et les lésions observées dans leur cerveau ?

Des questions cruciales si l'on veut espérer vaincre un jour la maladie. Point positif : toutes les énergies sont enfin mobilisées. «Notre pays souhaite devenir un pôle d'excellence dans le domaine de la recherche sur la maladie d'Alzheimer. C'est pourquoi la Fondation de coopération scientifique Plan Alzheimer a été créée dans le cadre du plan gouvernemental Alzheimer 2008-2012. Elle joue le rôle de “supercoordonnateur”, en fédérant tous les acteurs de cette recherche, qu'ils soient issus du public ou du privé », explique le Pr Alexis Brice, directeur de l'Institut des neurosciences, en charge de définir les grandes orientations straté­giques nationales.

Première étape : recueillir un maximum d'informations (cliniques, biologiques, à l'imagerie et sur les cerveaux post mortem), d'un grand nombre de malades de tous âges. Sous l'impulsion de la Fondation Ifrad, très impliquée dans ce projet depuis 2003, ce travail de titan est très avancé. «À l'Institut de la mémoire et de la maladie d'Alzheimer, qui va offrir ce qu'il y a de plus innovant aux malades, que ce soit dans les domaines de la prévention, du diagnostic ou de la prise en charge, la collecte des informations se fait déjà. Et notre banque de données inclut des centaines de malades sur tout le territoire», confirme le Pr Bruno Dubois.

Cela peut sembler moins spectaculaire, comme action, que l'annonce de futurs médicaments. C'est pourtant essentiel. «Car c'est le seul moyen de vérifier que les molécules en cours de développement auront bien un réel impact positif sur la vie psychique, intellectuelle et comportementale des malades. En effet, rien ne sert d'éradiquer des protéines anormales dans le cerveau, si cela n'est suivi d'aucune amélioration clinique !» conclut le Pr Dubois.
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