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Prévention du cancer du col de l’utérus : les enjeux de la vaccination |
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Deuxième cancer féminin à l’échelon mondial avec 500 000 nouveaux cas et 274 000 décès par an, le cancer du col de l’utérus peut être combattu grâce au dépistage cytologique mais aussi en prévention primaire par une protection vaccinale contre les principaux types de papillomavirus humains à l’origine de ce cancer. Les enjeux de ce type d’approche ont fait l’objet d’un débat au cours du dernier salon de Gynécologie pratique le 19 mars dernier.
Depuis 25 ans, c'est-à-dire depuis les recommandations incitant au dépistage par frottis qui permet d’identifier et de traiter les lésions précancéreuses et cancéreuses, la fréquence du cancer du col a diminué en France (incidence actuelle 7,1/1000, un peu plus de 3 068 cas en 2005).
Cependant, le dépistage du cancer du col est imparfait. Il n’est pas organisé au niveau national et n’est pas fait de manière optimale pour 65 % des femmes.
Par ailleurs, l’examen du frottis est sujet lui-même à de nombreux faux négatifs, et cette limite n’est pas totalement palliée par les tests HPV, qui bien que plus sensibles sont moins spécifiques. Enfin, la découverte de lésions dysplasiques conduit souvent à proposer une conisation, laquelle n’est pas sans conséquence chez les femmes en âge de procréer puisqu’elle expose au risque d’accouchement prématuré et ne met pas à l’abri des récidives. Or, si le pic d’incidence du cancer du col est de 51 ans, les lésions qui le précèdent touchent très fréquemment des femmes jeunes entre 30 et 35 ans.
Pourquoi des vaccins HPV ?
Ces différents éléments soulignent l’intérêt d’une prévention primaire par la vaccination associée au dépistage cytologique. La vaccination repose sur la prévention des infections à Papillomavirus (HPV). L’association entre le cancer du col de l’utérus et les HPV oncogènes est basée sur leur détection dans plus de 99,7 % des cancers du col de l’utérus. Cette infection à HPV s’acquiert au cours des rapports sexuels et les études récentes montrent que son incidence est très élevée. On estime que plus de 70 % des femmes sont contaminées au cours de leur vie. Beaucoup éliminent spontanément le virus en un à deux ans. Mais pour certaines, l’HPV persiste localement dans les cellules du col et est à l’origine des lésions qui peuvent évoluer en cancer invasif en 10 ans mais parfois plus rapidement.
Parmi la centaine de types d’HPV connus, ce sont les HPV 16 et 18 qui sont le plus souvent en cause puisqu’ils sont responsables de 70 % des cancers du col. Deux vaccins recombinants sont actuellement disponibles : un vaccin bivalent, Cervarix, utilisant des pseudo particules virales HPV 16 et 18 associées à un système adjuvant avec un immunostimulant (AS04) et un vaccin tétravalent Gardasil (pseudo-particules virales HPV 16, 18, 6 et 11), ces deux derniers types d’HPV étant non oncogènes et responsables des condylomes génitaux).
Les vaccins HPV, comment ça marche ?
L’administration du vaccin attire au niveau du point d’injection les cellules présentatrices d’antigène (CPA) qui internalisent les pseudoparticules virales L1 des HPV. Ces CPA migrent ensuite vers les ganglions lymphatiques où elles vont présenter l’antigène L1 aux lymphocytes T et activer ces dernières. Il est à noter que l’immunostimulant du système adjuvant ASO4 contenu dans Cervarix, en se liant aux TLR4 (toll like receptor) des CPA, améliore la présentation de l’antigène à leur surface et donc amplifie les réponses immunitaires en aval et notamment l’expansion des lymphocytes T (LT). Certains de ces LT (les LT helpers) vont activer les lymphocytes B qui prolifèrent et se différencient en plasmocytes producteurs d’anticorps (AC) dirigés contre la protéine L1 du HPV ou en cellules B mémoires. Là encore, la présence d’ASO4 est associée à un taux élevé d’AC sériques et à un nombre important de lymphocytes B mémoire. Ceci contribue bien évidemment à ce qu’un taux élevé d’AC se retrouve au niveau de l’épithélium cervical, taux qui est bien supérieur (11 fois plus) à celui conféré par l’immunité naturelle. Cette immunité est durable : 98 % des femmes vaccinées par Cervarix sont toujours séropositives à 6,4 ans aussi bien pour HPV 16 que 18.
Des preuves d’efficacité
L’histoire naturelle du cancer du col entre la primo-infection à HPV et la tumeur invasive s’échelonnant sur dix à 20 ans, l’efficacité des vaccins face au cancer du col est encore difficile à établir. C’est pourquoi les critères d’évaluation se fondent actuellement sur les taux d’infection incidente et d’infection persistante à HPV et/ou sur la prévention des lésions CIN2 et CIN3.
Les résultats de l’étude PATRICIA (1) qui a inclus 18 644 femmes randomisées en double aveugle pour recevoir soit Cervarix soit un vaccin contre l’hépatite A révèlent une réduction significative du nombre de cas de CIN 2 dans le groupe Cervarix par rapport à l’autre groupe.
Ils montrent aussi que Cervarix induit une protection élargie contre les infections incidentes vis-à-vis d’autres types d’HPV impliqués dans le cancer du col (HPV 31, 45, 52).
Enfin, dans une étude menée sur 951 femmes, on retrouve, 6,4 ans après la vaccination par Cervarix, 9 cas de CIN2+ dans le groupe témoin et 0 dans le groupe vacciné. Le taux d’efficacité de Cervarix sur les lésions CIN 2+ liées aux HPV 16 et 18 est donc de 100 % jusqu’à 6,4 ans.
Les résultats sont comparables avec Gardasil mais le suivi dont on dispose est moins long.
Une population cible
L’âge recommandé pour la vaccination varie en fonction des pays (de 11 à 14 ans), de même que l’âge d’un éventuel « rattrapage » (qui peut aller jusqu’à 26 ans). Les modalités d’application diffèrent aussi : certains pays l’ont intégrée dans un programme de vaccination scolaire ou organisé (comme au Royaume Uni où le choix s’est porté sur Cervarix) alors que d’autres se reposent sur la prescription individuelle. C’est notamment le cas en France, où la vaccination est recommandée en synergie avec le dépistage. Cependant le taux de couverture vaccinale reste relativement faible notamment dans la population des filles de 14 ans où elle est de 28 % (la moitié des filles de 17 ans ont cependant reçu au moins une dose du vaccin). Rappelons que le HCSP recommande la vaccination des jeunes filles de 14 ans et de la proposer également aux jeunes filles de 15 à 23 ans qui n’auraient pas eu de rapports sexuels ou au plus tard dans l’année suivant le début de leur vie sexuelle. Les vaccins s’administrent en 3 doses à 0, 1 ou 2et 6 mois.
Le profil de tolérance des deux vaccins a été jugé satisfaisant. Un plan national de gestion des risques pour les 2 vaccins a été mis en place et consiste en une surveillance pro-active de l’ensemble des événements post-vaccinaux. Lors des grossesses survenues après vaccination, il n’a pas été constaté d’augmentation du risque de malformation. Une méta-analyse intégrant toutes les données de tolérance des vaccins avec système adjuvant AS04 conclut à l’absence de lien causal entre vaccins adjuvantés AS04 et apparition de maladies auto-immunes.
Dr Marie-Line Barbet
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