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Grossesse et grippe A (H1N1), le risque se précise |
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Même si virologistes, épidémiologistes et cliniciens sont allés plus vite que jamais pour identifier le nouveau virus de la grippe A (H1N1), décrire le tableau clinique, définir les groupes de populations les plus à risque, proposer des protocoles thérapeutiques et prophylactiques et mettre en route la production industrielle de vaccins, les publications scientifiques sur la maladie ont toujours quelques semaines de retard sur la propagation de l’affection.
Il faut en effet, malgré le raccourcissement considérable des délais de publication permis par Internet, toujours quelques semaines pour réunir les données nécessaires à une travail original, rédiger un article, le soumettre à une revue internationale, le faire accepter par son comité de lecture, le mettre en page et le proposer en avant première en ligne.
Ces impératifs expliquent que les études qui paraissent aujourd’hui sur la grippe A (H1N1) peuvent sembler à beaucoup comme en retard par rapport aux événements dont grande presse, radio, Internet et télévision ont déjà largement fait état.
Il en est ainsi du travail de Denise Jamieson et coll. que le Lancet vient de publier sur les risques de la grippe A (H1N1) chez les femmes enceintes.
Cependant, même si le nombre de patientes incluses dans cette étude peut paraître limitée, alors que la pandémie a beaucoup progressé depuis que ces données ont été recueillies, cette publication nous apporte quelques précisions chiffrées utiles sur la grippe A (H1N1) chez la femme enceinte.
5 fois plus d’admissions hospitalières
Jamieson et coll. ont tout d’abord colligé les 34 cas confirmés ou probables diagnostiqués aux Etats-Unis entre le 15 avril et le 18 mai 2009 chez des femmes enceintes. Onze de ces patientes ont été admises à l’hôpital (32 %) ce qui, rapporté à la population américaine totale, donne un taux d’admission de 0,32 pour 100 000 femmes enceintes durant ce mois, soit près de 5 fois plus que pour la population générale durant la même période. Même si le taux d’hospitalisation de ces femmes a pu être majoré pour d’autres raisons que la gravité de l’infection respiratoire, ces données confirment la plus grande sévérité de l’infection au cours de la grossesse. Cliniquement le tableau présenté était comparable à ce qui est observé dans le reste de la population à l’exception d’une plus grande fréquence des dyspnées (41 % contre 25 % chez des femmes non enceintes du même âge). L’état de 3 de ces patientes a justifié un séjour en réanimation et une est décédée de syndrome de détresse respiratoire aiguë.
Les femmes enceintes représentent 13 % des décès après deux mois d’épidémie
Jamieson et coll. ont ensuite étudié toutes les morts en rapport avec cette grippe survenus aux Etats-Unis entre le 15 avril et le 16 juin 2009. Sur les 45 décès dénombrés, 6 concernaient des femmes enceintes (13 %) alors que celles-ci ne représentent qu’un peu plus de 1 % de la population américaine. Ces 6 femmes n’avaient pas d’antécédents médicaux graves en dehors d’un cas d’obésité morbide et toutes sont décédées d’une pneumonie virale sans signes de surinfection bactérienne. Il est à noter que le traitement antiviral avait été institué très tardivement chez ces patientes (entre le 6ème et le 15ème jour des symptômes).
Cette courte série ne permet pas de préciser les éventuelles répercussions de l’infection sur le fœtus. On sait simplement que, pour l’instant, chez les enfants qui sont déjà nés aucune infection n’a été diagnostiquée.
Ces données sont à rapprocher des informations parcellaires dont on dispose sur les effets des deux autres grandes pandémies grippales contemporaines, celle de 1918 et celle de 1957. Lors de l’épidémie de grippe espagnole de 1918, des taux de 50 % de pneumonie et de 25 % de mortalité avaient été rapportés dans certaines régions. Durant la pandémie de 1957, dans l’état du Minnesota, la moitié des décès étaient survenus chez des femmes enceintes.
Une épidémiologie qui justifie les recommandations
Ce travail confirme donc la très grande vulnérabilité des femmes enceintes au virus A (H1N1). Il justifie pleinement les recommandations françaises et américaines qui viennent d’être édictées sur la prise en charge des femmes enceintes. Rappelons que le Comité français de lutte contre la grippe dans sa réunion du 12 août 2009 préconise un traitement curatif par oseltamivir quel que soit le stade de la grossesse. En prévention, lors de la suspicion d’un cas de grippe dans l’entourage familial un traitement antiviral prophylactique est conseillé quel que soit le stade de la grossesse (par oseltamivir per os ou par zanamivir par voie inhalée). Soulignons toutefois que ces guidelines ont été établis en l’absence de données cliniques sur la toxicité de ces antiviraux chez la femme enceinte.
Très prochainement, dès qu’un vaccin sera disponible, les femmes enceintes feront partie des catégories hautement prioritaires.
Dr Anastasia Roublev
Jamieson D et coll. : H1N1 2009 influenza virus infection during pregnancy in the USA. Lancet 2009; 374: 451-58
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