«La France traite bien le cancer du sein, mais pas la femme qui a un cancer du sein, regrette le Pr Laurent Lantieri, chirurgien à l'hôpital Henri-Mondor à Créteil. Le nombre de femmes dont les seins sont reconstruits après un cancer n'atteint que 30% de celles qui ont subi une mastectomie.» Chaque année, 45.000 nouveaux cas de cancer du sein sont diagnostiqués en France, dont 15.000 nécessiteront une mastectomie qui sera suivie, dans 5000 cas, jusqu'à la reconstruction. La Haute Autorité de santé (HAS) considère que la reconstruction fait partie intégrante du traitement et doit être évoquée dès les premières consultations avec le chirurgien, lorsque les options de traitement sont envisagées. «Pour passer de 30 à 50% de femmes dont les seins sont reconstruits -un objectif raisonnable-, il faudrait mieux informer les femmes sur les différentes techniques disponibles et améliorer l'accès au réseau de soin», souligne le Dr Benoît Couturaud, chirurgien à l'Institut Curie, à Paris.
Le choix de la technique de reconstruction dépend de nombreux paramètres, en particulier des traitements qui viennent s'ajouter à la chirurgie initiale. La technique de reconstruction la plus pratiquée en France est l'implantation d'une prothèse en gel de silicone. L'intervention est simple, bien maîtrisée et les risques de nécrose désormais très faibles. Lorsqu'une radiothérapie est nécessaire, l'intervention ne peut être pratiquée au même moment que la mastectomie car les implants supportent mal les radiations. Par ailleurs, la peau irradiée est de mauvaise qualité et en quantité insuffisante pour introduire un implant. Elle sera donc envisagée entre six mois et un an après la fin des séances.
Cer tains chirurgiens proposent de pratiquer une extension de peau en introduisant un implant temporaire dont le volume est peu à peu augmenté. Cette technique nécessite cependant plusieurs interventions et peut se révéler assez douloureuse. Dans la majorité des cas, le chirurgien utilise un lambeau de peau et parfois également de muscle, prélevé en général dans le dos ou sur le ventre. Il faudra alors vivre avec une autre cicatrice que celle de la mastectomie, ce que certaines femmes ont du mal à accepter.
Technique Diep
Depuis quelques années, des techniques utilisant uniquement les tissus de la patiente pour reconstituer le volume initial du sein sont apparues, pour éviter le recours aux implants. De nombreuses femmes sont en effet réticentes à ces derniers, qu'elles considèrent comme un corps étranger indésirable ou simplement perçu comme froid et d'un toucher peu naturel. En outre, les prothèses ont une durée de vie limitée et doivent être remplacées après dix ou quinze ans.
Enfin, ces nouvelles reconstructions par tissu autologue peuvent se pratiquer en même temps que la mastectomie, même lorsqu'une radiothérapie est envisagée, et évitent ainsi une nouvelle intervention qui peut se révéler traumatisante pour celles qui ont déjà subi le choc de la mastectomie. Convaincue de l'intérêt de ce type d'approche, la HAS vient de recommander le remboursement de la technique Diep, notamment défendue par le Pr Lantieri, qui permet une reconstruction avec un lambeau de peau et de graisse prélevé sur le ventre, sans toucher aux muscles. Une approche plus particulièrement adaptée aux femmes plus âgées qui, après plusieurs grossesses, ont un surplus de graisse au niveau du ventre.
Ces nouvelles techniques ne représentent encore qu'une minorité des interventions de reconstruction. Sur un plan très pratique, la reconstruction par prothèse simple nécessite environ une heure et demie de temps de bloc et une reconstruction avec lambeau peut aller jusqu'à quatre heures. Les techniques autologues, quant à elles, nécessitent un temps d'intervention qui peut atteindre six heures et ne sont pratiquées en France que par quelques chirurgiens.
Il est par ailleurs difficile de dégager du temps disponible pour ce type d'opérations alors que les blocs sont déjà surchargés dans la plupart des hôpitaux et centres anticancéreux. L'Institut Curie a ainsi décidé de ne plus pratiquer de reconstructions différées pour se recentrer sur les mastectomies. Les femmes doivent donc de plus en plus se tourner vers des centres privés où les dépassements d'honoraires peuvent parfois les conduire à renoncer à une reconstruction pourtant prévue par le système de soins français.
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