L'alimentation et l'activité physique peuvent freiner le processus. À force de se focaliser sur la graisse, on en oublierait presque que la moitié du poids de notre corps est formé par les muscles ! Pourtant, dès la quarantaine, l'homme commence à perdre du muscle, sans s'en rendre compte, c'est la sarcopénie.
Plus étonnant encore, le mécanisme s'accélère insidieusement au détour de la soixantaine. «On peut très bien avoir l'impression de conserver un poids stable alors que la composition du corps a changé, explique le Dr Christophe De Jaeger, auteur d'un livre récent sur Le Muscle, le Sport et la Longévité (Éditions Odile Jacob), en réalité, on a moins de muscle et plus de graisse ! Or, la graisse est un facteur de risque tandis que le muscle est un facteur de protection.» Chercheur à l'Institut de myologie (Paris), le Dr Vincent Mouly rappelle que « le vieillissement musculaire est caractérisé par une perte de volume, de masse et de force des muscles. On parle de fonte musculaire, comme la fonte de neiges ». Pour aggraver encore les choses, l'âge venant, le muscle se met à fonctionner moins bien : «Les qualités de contraction du muscle sont altérées», insiste le Pr Marc Bonnefoy, professeur de gériatrie aux Hospices civils de Lyon (université Claude-Bernard). C'est le vieillissement cellulaire : «Il existe chez l'homme une horloge interne qui compte les divisions des cellules. Plus elles se divisent, moins elles sont efficaces», rappelle le Dr Mouly.
Inutile de se précipiter sur des compléments alimentaires visant à renforcer les muscles Un mécanisme que les scientifiques ne cessent de décortiquer. Le mois dernier, des chercheurs de l'université de Californie ont expliqué dans la revue Chemistry & Biology comment ils étaient justement parvenus à rajeunir des cellules musculaires en faisant reculer cette horloge interne. Mais la cure de jouvence est délicate car si l'on remonte trop loin dans le temps cellulaire, on risque d'immortaliser ces cellules et de provoquer des cancers. En réalité, il y a plus simple pour aider nos muscles à « ralentir » leur vieillissement et cela passe par l'alimentation et l'activité physique. À condition de ne pas faire n'importe quoi ! Inutile de se précipiter, par exemple, sur des compléments alimentaires visant à renforcer les muscles et qui encombrent de plus en plus les rayons des pharmacies. En dépit de résultats de recherche encourageants avec certains acides aminés, on manque encore de preuves d'efficacité chez les sujets âgés. Perte de poids « Il n'y a pas de poudre miracle contre le vieillissement ! Ces compléments ne sont pas toujours utiles et ils ne doivent être pris que sous surveillance médicale , met en garde le D r Mouly.
En revanche, il est essentiel d'avoir un apport protéique suffisant. Au moins 1,2 gramme par kilo de poids et par jour (soit 70 g/j si l'on pèse 70 kg, NDLR) et avec un apport calorique d'au moins 30 kcal par kilo de poids et par jour (2 100 kcal/j si l'on pèse 70 kg), détaille le P r Bonnefoy. Le manque de protéines risque en effet d'accélérer la perte de muscle et le manque de calories de provoquer un amaigrissement. Mais, sauf raison médicale, un régime est souvent risqué après 65 ans. Car l'amaigrissement se fait alors surtout au détriment du muscle et non de la masse grasse. Perdre 1 kilo à 70 ans, c'est d'abord perdre 750 grammes de muscle ! À l'inverse, avoir une alimentation riche en protéines et en énergie en association avec de l'exercice physique améliore la fabrication de muscles.» D'ailleurs, une perte de poids chez un senior peut être une «fausse bonne nouvelle», si elle se fait essentiellement au détriment des muscles ! Grâce à un appareil capable de mesurer précisément la composition de l'organisme (le DXA), le Dr De Jaeger met sous les yeux du patient l'effet réel de son activité physique sur sa masse grasse, mais aussi sur sa masse musculaire : «On recommande, à juste titre, de faire une demi-heure d'activité physique par jour, note le médecin, mais on oublie de dire qu'il faut le faire à la bonne intensité, sinon ça ne sert à rien ! » D'autant qu'il n'est jamais trop tard pour bien faire, on sait désormais que même des nonagénaires peuvent regagner durablement de la masse musculaire avec un programme raisonnable d'exercices physiques. L'idéal étant de reprendre un sport adapté à son âge et son état de santé dès les premiers signes de sarcopénie : «Mettre plus de 5 secondes pour parcourir les 4 mètres d'un couloir est un signe d'alerte», note ainsi le Pr Bonnefoy. Le signe qu'il est temps d'agir.
«Même si l'activité peut parfois être pénible chez la personne âgée, conclut Vincent Mouly, c'est le prix à payer pour maintenir son indépendance physique.» lefigaro.fr |