Cancer de la prostate : débat sur les bénéfices du dépistage
Publié par hammar le Mars 22 2009 13:03:41
Polémique après la parution de deux études contradictoires. L'une affirme que le dépistage du cancer de la prostate réduit la mortalité de 20 %, quand l'autre rapport ne retrouve pas...

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Polémique après la parution de deux études contradictoires. L'une affirme que le dépistage du cancer de la prostate réduit la mortalité de 20 %, quand l'autre rapport ne retrouve pas ces résultats.

Le diagnostic précoce d'un cancer est en général un gage de bon pronostic. Cela est valable pour la majorité des tumeurs, mais pas pour toutes. Partant de là, dans les années 70-80, des dépistages systématiques se sont imposés, pour le cancer du col de l'utérus et pour celui du sein.

Pour qu'un dépistage soit valable, il faut avoir un test simple, peu onéreux et non dangereux et démontrer que le fait de l'appliquer à une large population aboutit in fine à une réduction de la mortalité. Il était logique de réfléchir au dépistage du cancer de la prostate, le plus fréquent chez l'homme, puisqu'au début des années 1980, a été découvert le PSA, une protéine prostatique, dont le taux dans le sang est augmenté en cas de cancer.

Faut-il dans de telles conditions proposer à tous les hommes de plus de 55 ans un tel dosage ? La réponse n'est pas évidente. Pour deux raisons. D'une part, un taux de PSA élevé n'est pas assez fiable pour poser un diagnostic et doit être suivi d'une biopsie, un acte simple, mais non dénué d'agressivité. D'autre part, certains cancers de la prostate sont peu évolutifs et risquent d'être traités inutilement. Chaque année en France, plus de 62 000 cancers de la prostate sont diagnostiqués et plus de 9 000 décès sont à déplorer. Avant de se lancer dans des politiques de dépistage coûteuses, les pouvoirs publics ont besoin de s'appuyer sur des données épidémiologiques fiables et non ambiguës. Il y a dix ans, pour mesurer les effets sur la mortalité d'un dosage systématique du PSA chez l'homme, deux grandes enquêtes ont été lancées, l'une en Europe, l'autre aux États-Unis. Leurs résultats préliminaires sont publiés jeudi sur le site internet du New England Journal of Medicine.

L'enquête européenne initiée au début des années 1990 porte sur plus de 160 000 hommes âgés de 55 à 69 ans de huit pays dont la France, et divisés en deux groupes de 80 000 personnes chacun par tirage au sort, les premiers bénéficiant d'un dosage de PSA régulier et les seconds sans dépistage.

Faut-il traiter et comment ?

Les résultats préliminaires, arrêtés au 31 décembre 2006, mettent en évidence une réduction de 20 % des décès par cancer de la prostate pour ceux soumis au dosage de PSA par rapport à ceux qui ne l'ont pas été. Cette stratégie de dépistage a permis de diagnostiquer deux fois plus de cancer dans le groupe dépistage que dans l'autre. Les auteurs ont cependant calculé que 1 410 hommes doivent avoir un dosage de PSA pour qu'un décès par cancer soit évité. Ils ont aussi montré que sur les 17 000 biopsies pratiquées, 11 500 étaient négatives, malgré un taux de PSA élevé.Selon les auteurs, le bénéfice du dépistage n'apparaît que dans la tranche d'âge des 55-69 ans.

L'autre étude américaine, publiée ce même jeudi, est de moins grande envergure, puisqu'elle ne porte que sur 76 000 hommes divisés en deux groupes, la moitié bénéficiant d'un dépistage, l'autre non. Les auteurs ne mettent pas en évidence, en comparant ces deux groupes, de bienfaits au dosage régulier de PSA puisque la mortalité est similaire dans les deux groupes. Avec un biais cependant, puisque les chercheurs reconnaissent qu'il y a eu une confusion, certaines personnes du groupe sans dépistage ayant déjà antérieurement fait des dosages, ce qui fausse bien sûr les conclusions.

«L'étude européenne, même si les résultats sont préliminaires, est très intéressante. Elle confirme un certain nombre d'éléments dont nous avions l'intuition dans notre pratique quotidienne, assure le professeur Marc Zerbib (hôpital Cochin, Paris). Tout le problème, une fois que l'on a découvert un cancer, est de savoir si on va le traiter, et comment.» Même son de cloche de la part du professeur Guy Vallancien (urologue, Institut Montsouris, Paris) : «Le vrai débat n'est pas de savoir s'il faut dépister ou non, mais de se demander face à chaque cas, s'il faut traiter ou pas.»


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