Alli, pilule anti-obésité utile ou dangereuse
Publié par hammar le Mai 29 2009 09:36:57
Alli, un médicament favorisant la perte de poids, est disponible ce vendredi dans les pharmacies. Il s'agit du premier médicament du genre disponible sans ordonnance...

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Alli, un médicament favorisant la perte de poids, est disponible ce vendredi dans les pharmacies. Il s'agit du premier médicament du genre disponible sans ordonnance.

Si son arrivée officielle n'était prévue que vendredi dans toutes les officines de Belgique, Le Soir peut confirmer qu'elle y était déjà disponible depuis plusieurs jours. Alli, la nouvelle pilule anti-obésité vendue sans prescription, fait déjà beaucoup parler d'elle.

A tel point que des pharmaciens refusent aujourd'hui de la vendre, quitte à devoir se justifier devant un tribunal. Et que des associations de consommateurs soupçonnent l'agence européenne du médicament de favoriser la mise en danger des patients.

Pourquoi tant de raffut ? A l'origine, l'orlistat, la substance active d'Alli était une petite bactérie qui vivait à Majorque. Les chercheurs ont découvert qu'elle inhibe les enzymes qui permettent aux trigyclérides de l'alimentation d'être raffinés en glycérides qui sont utilisées par le corps comme source d'énergie ou de chaleur (voir infographie). Les trigyclérides non déstructurés restent trop gros que pour passer dans le sang et finissent dans l'intestin avant d'être évacués par les voies naturelles.

Or, il y a dix ans, l'épidémie de l'obésité ravage déjà les pays développés. L'orlistat, baptisé sous le nom de Xénical et produit par Roche, administré exclusivement sur prescription, aide les obèses à ce qu'une partie notable (un tiers du gras) ne soit pas assimilée par le corps. Cela les aide à ne plus prendre de poids et, s'ils suivent un régime, à en perdre. Sur 4 ans et combiné à un régime, le Xénical a donné une réduction, par an, de 10,6 kilos, une diminution de 9 centimètres de tour de taille, de 11,3 % du cholestérol LDL, ainsi que d'une réduction notable des valeurs de tensions artérielles (7 mm de systolique, 3,4 de diastolique). Le risque de diabète 2 est aussi réduit.

Même s'il aide des milliers d'obèses, dont certains sont en danger aigu de mort s'ils ne perdent pas de poids, le médicament n'est pas parfait. De nombreux médecins diminuent son emploi parce que les patients ne suivent pas nécessairement leurs prescriptions ou souffrent d'effets secondaires trop importants : gonflement, gargouillis, diarrhée, voire incontinence anale sont parfois observés. Mais il n'y a pas de conséquences à long terme sur l'organisme. Une fois le traitement stoppé, l'effet secondaire s'arrête.

Pendant ce temps, l'épidémie d'obésité continue à galoper. Une autre firme, GSK, rachète donc les droits de l'orlistat pour l'utiliser à une demi-dose (60 mg) du Xénical et pouvoir le vendre au comptoir sans ordonnance. Alli, c'est cela. Bien entendu, la firme souligne que le pharmacien sera le gardien des conditions de délivrance : patient au-dessus de 28 d'index de masse corporelle, examen des contre-indications comme traitement du diabète, du cholestérol et de la tension, des affections pourtant très répandues chez les obèses. C'est lui qui devra indiquer qu'il faut se supplémenter en vitamines. Et ne pas en prendre plus de six mois. La firme précise aussi que l'effet de Alli sera réel si le patient change de style de vie, pratique des activités physiques et adopte un régime. Son slogan ? Alli rajoutera un kilo de perdu pour deux kilos perdus par ailleurs.

Le problème, c'est que tous les spécialistes de l'obésité affirment aujourd'hui que seule une prise en charge multidisciplinaire (médecin, nutritionniste, psy, chirurgien) est apte à donner une chance de résorber l'obésité. Une prise en charge lourde et souvent très coûteuse. Et à suivre à vie. L'arrivée d'Alli, même avec des précautions oratoires, risque d'être interprétée au contraire comme une porte ouverte à la médication de l'obésité sans contrôle d'un médecin, puisqu'il ne faut plus en obtenir de prescription. Sans équipe multidisciplinaire. Sans changement de style de vie. Et donc avec, très souvent, l'échec au bout.

Pour Test-Santé, il est prouvé que le retour au poids initial après un an est fréquent. Et l'association de consommateurs souligne aussi les risques que de simples adeptes de régime utilisent Alli à tort, voire des patients souffrant de boulimie qui y verraient un aisé « doigt dans la bouche chimique ».

« Le seul qui profite de ce changement de statut, c'est le fabricant à qui, de plus, la pub est autorisée. Celle-ci tend à exagérer les vertus du produit et à minimiser les risques. L'agence européenne du médicament, qui a autorisé le retrait d'obligation de la prescription, est-elle au service de la santé publique ou des actionnaires des firmes pharmaceutiques ? », pique Jean-Philippe Ducart, le porte-parole de Test-Santé.