Sida : « La pandémie tourne au génocide »
Publié par Administrateur le Août 02 2009 07:51:23
Les finances nécessaires pour traiter tous les malades manquent à cause du krach financier. Le dernier G8 n'a pas eu un mot pour le sida, alors qu'il s'était engagé à tenter de l'éradiquer...

Nouvelles étendues

Les finances nécessaires pour traiter tous les malades manquent à cause du krach financier. Le dernier G8 n'a pas eu un mot pour le sida, alors qu'il s'était engagé à tenter de l'éradiquer. Des hôpitaux refusent des malades. Traiter globalement, c'est la seule voie pour diminuer le risque planétaire.

Il y a dix ans, je devais dire à des patients que je n'avais pas le traitement de première ligne pour les soigner et je les voyais mourir. Aujourd'hui, je dois dire à mes patients qu'ils sont devenus résistants au traitement de base et que je n'ai pas le traitement plus élaboré qui pourrait les sauver. Et je dois toujours les regarder mourir. »

Le docteur Gilles Van Cutsem, un Anversois de Médecins sans frontières, a vu et aidé des milliers de patients dans le township de Khayelitsha, près du Cap, où son organisation mène une mission-pilote. Une région où un enfant naît avec le virus verrouillé au cœur de son sang. Où 70 % des séropositifs sont aussi mangés par la tuberculose. Il est endurci face à la détresse et à la mort. Mais quand il évoque ces malades qu'il ne peut pas aider faute des dernières générations de médicaments, adaptées à ceux qui ont développé des résistances aux médicaments de première ligne, il ne peut contenir des larmes.

Avec Act-Up et de nombreuses autres associations de patients et d'aides aux patients, Médecins sans frontières réclame que les firmes pharmaceutiques baissent immédiatement leurs prix. Même « adaptés » aux revenus locaux, les tarifs des trithérapies vont de quelques centaines à 10.000 dollars par an. Envisageable pour les gens pourvus de coûteuses assurances-santé privées, mais à mille lieues des possibilités de paiement de l'homme moyen dans cette région du monde. C'est pourquoi les mêmes associations réclament que les fabricants déposent les brevets de leurs produits dans une sorte de pot commun qui permettent aux Etats et aux firmes de générique de produire ces antirétroviraux à bas prix, en payant en retour un droit d'accès aux brevets pour les firmes qui les ont développés.

« Nous entendons l'appel des associations et nous sommes parfaitement engagés dans une réduction forte des prix pour permettre l'accès le plus large. Mais ils doivent aussi se rendre compte que c'est avec les revenus actuels des médicaments, que nous avons parfois commencé à développer, il y a plus de dix ans, comme le Raltégravir, que nous menons la recherche actuelle, elle aussi très coûteuse, qui donnera les médicaments qui seront disponibles dans dix ans, explique le docteur Mark Feinberg, viceprésident de la firme Merck. Nous avons aussi la responsabilité morale de continuer la recherche et le développement à un haut niveau. Que nous diront ces associations si demain, faute de moyens, nous n'avons plus de nouvelles pistes à suivre contre le virus ? »

Dans certaines régions de l'Afrique australe, des études prévoient une diminution de la population de manière dramatique jusqu'à la disparition de villes entières, voire de parties de pays. A certains endroits, la prévalence du virus est telle que, sans traitement, il ne restera à moyen terme que des vieillards et des enfants en bas âge, les autres tranches d'âge étant décimées par la pandémie. Pour certains activistes, la frontière des mots est franchie : « L'absence de soins pour des millions de patients et le retard de traitement pour d'autres peut aujourd'hui s'assimiler à un génocide silencieux. »

La prise en charge est à l'arrêt

« Partout autour de nous, les cliniques arrêtent de prendre en charge des patients parce qu'il n'y a tout simplement pas assez de médicaments antirétroviraux », confirme Eric Goemaere, chef de mission MSF en Afrique du Sud. « Les listes d'attente s'allongent de jour en jour, mettant en péril la vie des patients avant même qu'ils aient commencé un traitement. C'est incroyable qu'un programme sida qui fonctionne bien puisse être handicapé en quelques semaines à peine. »

Pourquoi se le celer ? Certains penseront que ces futurs morts sont loin et ne nous ressemblent pas. Mais même ce raisonnement inhumain et égoïste ne tient pas : mal traiter ou ne pas traiter ces millions de malades (ils devraient être 50 millions en 2030) laissera la porte grande ouverte au virus, déjà mondial, qui ne demande que cela pour s'étendre et devenir davantage résistant aux médicaments. En sauvant l'Afrique, on se sauve donc soi-même.

Lesoir.be