La prise en charge du Cancer en Algérie
Publié par La Pharmacienne le Août 13 2009 10:13:09
L’amélioration des conditions de vie en général et l'allongement de la durée de vie des populations en particulier, ont conditionné le développement de pathologies dites...

Nouvelles étendues

L’amélioration des conditions de vie en général et l'allongement de la durée de vie des populations en particulier, ont conditionné le développement de pathologies dites émergentes dont les affections cancéreuses.

La pathologie cancéreuse représente aujourd’hui pour les pays développés ainsi que ceux moins développés un véritable problème de santé publique compte tenu des dépenses de plus en plus élevées pour une prise en charge efficiente.

Cependant, toute cette stratégie risque de demeurer insuffisante ou inefficace si elle n'est pas accompagnée au préalable par la mise en place de réseaux et de comités de prise en charge par pathologie aussi bien à l'échelon de l'hôpital que celui régional et national.

Par ailleurs, ces réseaux et comités ne seront opérationnels et efficaces que s'ils disposent de moyens de communication (Intranet et Internet) en vue de l'échange d'information en temps réel.

Cette stratégie de prise en charge des pathologies cancéreuses, combien même nécessaire a sans nul doute un coût très onéreux.

Le deuxième axe de réflexion va porter sur le long terme et concernera le volet de la prévention primaire des cancers.

A ce sujet, le registre du cancer est une fois de plus incontournable. Le classement chronologique des cancers fait apparaître les pathologies les plus fréquentes dans le pays et donc de permettre à celles qui sont accessibles à une prévention primaire de déployer tous les efforts en vue de diminuer leurs taux de prévalence et de morbidité ou tout au plus d'augmenter les diagnostics des formes précoces.

Cette politique de prévention sera essentiellement basée sur les réseaux qui sont de trois types.

Le premier réseau concerne les médecins généralistes dits de première ligne aussi bien publics que libéraux au niveau de chaque wilaya.

Sous l'égide des épidémiologistes, un programme de formation continue doit être élaboré avec des rencontres régulières, par exemple tous les trois mois sous le parrainage des Directions de la santé et de la population et au cours desquelles des rapports des situations épidémiologiques sont établis.

Ce réseau sera soutenu par les médias et les associations de malades cancéreux, ainsi que l'intervention des sociologues, des anthropologues et même des théologiens pour expliquer l'importance du dépistage de la maladie (par exemple l'examen des seins au-delà de 30 ans de façon systématique ainsi que la pratique du frottis vaginal et du toucher rectal chez l'homme), de l'investissement en santé en préconisant une hygiène de vie corporelle et alimentaire et la pratique d'une activité physique.

Le second réseau comprend les médecins spécialistes en cancérologie et en hématologie oncologique qui activent à travers le territoire national (par exemple dans le cadre du service civil).

Ce second réseau aura pour tâches de diffuser les fiches techniques de diagnostic précoce aux médecins de première ligne, d'appliquer rigoureusement les recommandations des consensus nationaux de traitement, de tenir régulièrement des rencontres régionales pour des mises au point diagnostic et thérapeutique ainsi que l’évaluation de la prise en charge globale pour chaque wilaya.

Enfin, le troisième réseau est celui des leaders d'opinion, c'est-à-dire les chefs de services d'oncologie et d'hématologie oncologique qui sont les experts en matière d'élaboration des conférences nationales de consensus aussi bien diagnostic que thérapeutique, de l'établissement des fiches techniques par pathologie et de définir les critères d'évaluation de la prise en charge en tenant compte des disparités qui peuvent exister entre hôpitaux de daira, de wilaya et les structures hospitalo-universitaires.

A ces prérogatives, s'ajoute celle d'étudier toute nouvelle molécule validée sur le plan international et son introduction à l'échelle nationale toujours de façon consensuelle et qui pourrait faire l'objet d'un essai thérapeutique multicentrique national.

Par ailleurs, en liaison avec les médecins généralistes et les médecins spécialistes, des comités multidisciplinaires de pathologie doivent être mis sur pied au niveau des CHU, des EHS, et de l'EHU avec des réunions hebdomadaires compte tenu du recrutement.

Cette organisation de la prise en charge globale de la pathologie cancéreuse est indispensable pour permettre un dépistage précoce des néoplasmes et donc non seulement de réduire les coûts de traitement mais également d'accroître les pourcentages de guérison.

Le dernier volet consiste en la problématique du coût réel de la prise en charge du cancer dans notre pays.

A ce sujet, les personnes ressources seront les économistes en santé partenaires indissociables des équipes soignantes.

En effet, aujourd’hui l'approche économique en santé concerne aussi bien les services (budgétisation par service) que les pathologies qui en sont prises en charge (budgétisation par pathologie). Il s'agit donc de calculer le prix de revient de la prise en charge globale d'une pathologie donnée et d'en extrapoler le budget nécessaire qui doit être alloué au service concerné en fonction de son taux de recrutement annuel.

Dans cette optique et afin de réduire les coûts, deux approches doivent être développées.

La première consiste à mettre sur pied un plateau technique performant permettant d'établir des bilans de diagnostic précis, fiables, en un temps record et de le rentabiliser, soit en pôle universitaire ou en pôle régional.

Dans ce cadre précis, la collaboration avec les laboratoires des Facultés de biologie, de biotechnologies, de Pharmacie ainsi que les laboratoires de recherche (USTO, USTBH, Institut Pasteur, etc.) doit être effective, ce qui permettra l'accès aux chercheurs cliniciens à de nouveaux champs d'investigation et vice versa pour les chercheurs biologistes car leurs logistiques de recherche est mise en commun et donc plus performante.
La seconde approche consiste à réduire les lits d'hospitalisation conventionnelle au dépend de structures plus légères et moins onéreuses que sont les hôpitaux de jour.

Ces structures peuvent prendre en charge plus de 80% de l'activité du service, tant sur le plan du diagnostic que thérapeutique.

En parallèle, la notion d’hospitalisation à domicile est à encourager d'autant plus, que dans la majorité des cas, la famille est partie prenante dans les soins de leur patient au sein même des structures hospitalières.

Cette approche, apporte inéluctablement un gain non seulement en terme de coût de prise en charge (il n'y pas de forfait hospitalier concernant l'hôtellerie, il y a moins de dégradation de la structure hospitalière par les visiteurs, qui selon nos coutumes, sont nombreux à venir visiter le malade) mais également et surtout une meilleure qualité et un confort de vie irremplaçable, un impact psychologique important en démystifiant le cancer, puisque "finalement" sa prise en charge ne nécessite plus une longue hospitalisation et une "coupure" avec la structure familiale vu que le patient est soigné en ambulatoire sauf dans des situations particulières où l'hospitalisation s'avère nécessaire.

L'initiative par les pouvoirs publics de construire un Institut national du cancer dans notre pays est très louable car s'inscrivant dans la problématique de la prise en charge sérieuse du cancer.

Cet Institut devrait correspondre à un organe de conception incluant différents départements dont celui de l'épidémiologie analytique et de la prévention primaire, de la recherche fondamentale et expérimentale en cancérologie, de sociologie et de l’anthropologie en santé, d'économie en santé, d'éthique et de théologie, l'ensemble dirigé par le département du registre national du cancer.

Cet Institut devrait donc tenir compte de l'approche multidisciplinaire et multisectorielle (environnement, hydraulique, éducation, agriculture, les transports, les télécommunications, etc.) de la prévention et du traitement.

Tout cela pour conclure que la prise en charge du cancer est exponentielle en terme de coût et que la seule façon de réduire un tant soit peu les dépenses publiques est une intervention énergique en amont : c'est-à-dire la prévention.




Pr. BEKADJA Mohamed-Amine
Chef de Service d'Hématologie et de Thérapie Cellulaire - EHU Oran