Cancer de la prostate:les urologues veulent un dépistage
Publié par hammar le Septembre 24 2009 13:19:18
L'Association française d'urologie demande un programme de dépistage comparable à ce qui est fait pour le sein et le colon. Une position controversée...

Nouvelles étendues

L'Association française d'urologie demande un programme de dépistage comparable à ce qui est fait pour le sein et le colon. Une position controversée.


Un dépistage organisé du cancer de la prostate pour les hommes de 55 à 69 ans, un dépistage individuel entre 70 et 75 ans, et aucun au-delà de 75 ans. Telles sont les nouvelles préconisations de l'Association française d'urologie, qui organise aujourd'hui la cinquième journée nationale de la prostate. Cette société savante affirme surtout son souhait de parvenir à une position nationale sur la question du dépistage de cette tumeur, qui fait débat depuis des années dans le monde médical.

Les cancers de la prostate, les plus fréquents de tous les cancers en France, concernent désormais 65 000 hommes chaque année, selon l'Institut de veille sanitaire (InVS). Le nombre de nouveaux cas a augmenté de 8,5 % par an entre 2000 et 2005, précise l'InVS, «par l'effet combiné du vieillissement de la population, de l'amélioration des moyens diagnostiques et de la diffusion de la technique de dépistage par PSA (antigène prostatique spécifique, NDLR)» . Ces tumeurs sont au deuxième rang de la mortalité par cancer chez l'homme sur le territoire avec 9 000 décès par an, mais leur pronostic s'améliore.

En 2003, l'Association française d'urologie (AFU) a proposé un dépistage annuel - par toucher rectal et dosage sanguin du PSA - pour les hommes de 50 à 75 ans. L'appel a été largement entendu : environ 90 % des médecins généralistes prescrivent régulièrement des tests sanguins par PSA, dont 2,7 millions sont pratiqués chaque année en dépistage. Au grand dam d'autres spécialistes, épidémiologistes notamment, qui estiment que le bénéfice de santé publique d'un tel dépistage n'est pas établi : il ne permet pas de diminuer la mortalité et conduit à des traitements lourds avec risques de séquelles gênantes (troubles de l'érection, fuites urinaires). De son côté, la Haute Autorité de santé (HAS) n'a pas jusqu'ici recommandé de dépistage organisé de ce cancer comparable à ceux du sein et du colon.

Des essais cliniques très attendus

Pour les urologues, la donne a clairement changé avec la publication en mars dernier d'essais cliniques très attendus dans le New England Journal of Medicine (NEJM). «Avec un recul de neuf ans, une étude européenne portant sur 160 000 personnes montre qu'un dépistage tous les quatre ans diminue de 20 % la mortalité par cancer de la prostate chez les 55-69 ans, indique le Pr Pascal Rischmann, président de l'AFU. La baisse de mortalité atteint même 30 % lorsque l'on affine ces résultats en les toilettant.» Dans le même numéro, le NEJM publie une étude américaine incluant 76 000 hommes ne démontrant, elle, aucun effet favorable sur la mortalité. Mais selon le Pr Rischmann, sa méthodologie n'est guère solide, la population témoin se faisant malgré tout dépister par le PSA.

«Cela faisait des années qu'on nous demandait une preuve scientifique, la voilà», estime le président de l'AFU. Et ce n'est pas le seul argument. «Tous les pays d'Europe qui ont adopté une politique volontariste de dépistage du cancer de la prostate ont des résultats probants en terme de mortalité», ajoute-t-il. Se fondant sur ces résultats, l'AFU propose aux autorités sanitaires d'organiser un dépistage pour les 55-69 ans, tous les trois ans (ou annuel si le PSA est élevé). L'association se prononce aussi pour un suivi plus précoce (à partir de 45 ans) dans les groupes à risque : antécédents familiaux, origine antillaise ou africaine. Elle préconise en revanche des tests individuels, au cas par cas, pour les 70-75 ans, et une abstention au-delà.

Pour le Pr Marc Zerbib, urologue à l'hôpital Cochin (Paris), toutes les données convergent vers une telle stratégie. «Le dépistage est d'autant plus justifié que des traitements localisés, de moins en moins agressifs, sont en train d'arriver.» Ces arguments vont-ils être entendus au-delà des urologues ? Dans son rapport pour le plan cancer 2009-2013, rendu en février dernier au président de la République, le Pr Jean-Pierre Grünfeld recommandait de prendre une position nationale sur la question du dépistage du cancer de la prostate «dès la publication de l'étude européenne», publiée dans le NEJM.

La Haute Autorité de santé et l'Institut national du cancer, qui ont nommé un groupe de travail, doivent rendre des conclusions communes courant 2010. Les opposants au dépistage, eux, campent sur leurs positions. «Les études publiées dans le New England comportent de nombreux biais, et ce ne sont que des résultats intermédiaires», souligne Dominique Dupagne, généraliste à Paris, à l'origine d'un collectif demandant un moratoire sur le dépistage du cancer de prostate, signé par 200 médecins. Un avis partagé par le Pr Gérard Dubois, professeur de santé publique (Amiens), qui était déjà monté au créneau sur le sujet il y a deux ans. «Tous les organismes de référence réfléchissent à ces questions, mais il y a clairement un manque d'enthousiasme. Surtout, contrairement à ce que voudraient faire croire les urologues, ces nouvelles publications ne permettent pas de trancher le débat.»