Les plantes médicinales bientôt interdites ?
Publié par La Pharmacienne le Mai 03 2011 19:15:28
La Commission s'apprêterait à bannir toutes les herbes médicinales des étals européens. Effrayant, mais faux.
L'avertissement fait froid dans le dos. "Après le 30 avril 2011, de nombreux produits et compléments alimentaires à base de plantes vont devenir illégaux en France." Ainsi commence ce texte (http://www.defensemedecinenaturelle.eu/), intitulé "Guérison défendue" et signé par le Collectif pour la défense de la médecine naturelle. Une pétition, en réalité, qui rencontre un vif succès sur Internet. En quelques jours, elle revendique près de 120 000 signatures. À en croire l'appel, une directive européenne mettrait en danger les plantes médicinales, "même celles reconnues depuis des centaines ou des milliers d'années". Adieu donc les tisanes de camomille pour lutter contre les problèmes digestifs ? Fini le sirop de thym pour faire passer la toux ?
"Mais pas du tout !" s'étouffe-t-on à la Commission européenne. "Il est hors de question pour nous de retirer ces produits du marché", affirme Frédéric Vincent, porte-parole de la Commission pour les questions de santé. "Cette rumeur relève du délire", juge-t-il. "Des centaines, voire des milliers de plantes vont disparaître des rayons des distributeurs", assure pourtant le collectif dans sa pétition, accusant directement les "multinationales pharmaceutiques" d'être derrière l'initiative européenne. "Nous voulons mettre de l'ordre dans la jungle des herbes médicinales", rétorque Frédéric Vincent, qui rappelle que la directive visée par le collectif, la THMPD (pour "directive des produits traditionnels herbeux et médicinaux"), est loin d'être "nouvelle", comme l'indique la pétition.
"Des autorisations un peu légères"
Adoptée en 2004, la THMPD vise à mieux encadrer le marché des plantes médicinales, jusque-là laissé au libre jugement des États membres. "Il y avait des autorisations délivrées sur des bases un peu légères", explique Frédéric Vincent. La Commission a donc imaginé un système de régulation calqué sur le modèle des médicaments classiques, mais simplifié. Aucun test sur l'efficacité ou la sécurité des herbes ne sera exigé. "Nous voulons des preuves que le produit a été utilisé à but médical pendant les trente dernières années, dont au moins quinze ans au sein de l'Union européenne", explique la Commission. Bruxelles a donné sept ans à la filière "herbes" pour récupérer cette "littérature" médicale. Un délai qui arrive à échéance à la fin du mois d'avril. "Ceux qui n'ont rien fait paniquent, analyse Frédéric Vincent. Il leur suffit pourtant de prouver que leurs herbes ont une efficacité."
Le docteur Laurent Chevallier, attaché au centre hospitalo-universitaire de Montpellier et farouche partisan des plantes médicinales, se réjouit de l'initiative "légitime" de Bruxelles. Depuis des années, il accuse les pouvoirs publics de contrôler insuffisamment l'usage des plantes médicinales. "Certains fabricants veulent s'approprier la santé naturelle", s'insurge-t-il. Dans son viseur, les vendeurs de compléments alimentaires, qui, sous couvert de défendre la phytothérapie et la médecine naturelle, essaient de sauver leur business. "Cette pétition joue sur la naïveté des gens, qui signent en croyant bien faire", prévient-il. Verveine, lavande ou thym, nos tisanes sont sauvées. Ouf !
Le Point.Fr