Baptisées Magic Smile, Point Sourire ou encore Pure Smile, elles poussent comme des champignons à Paris. Ces enseignes, inspirées d'un phénomène depuis longtemps en vogue aux États-Unis, promettent de restituer à vos quenottes tout l'éclat de leur blancheur. Et ce à un prix modique (autour de 80 euros la séance) comparé aux tarifs pratiqués par les dentistes (entre 300 et 500 euros) pour un acte de blanchiment.
Ces derniers, vent debout contre les bars à sourire, interpellent sur leur dangerosité. L'Ordre national des chirurgiens dentistes (ONCD) en a fait le sujet principal de sa Lettre de septembre et a même déposé des plaintes pour exercice illégal, mettant en avant le recours au peroxyde d'hydrogène à des taux «qui dépassent les normes autorisées».
L'ONCD s'inquiète par ailleurs de «la vitesse exponentielle» à laquelle ces échoppes fleurissent. «Sur Paris, c'est presque une hystérie», se désole le Dr Alain Moutarde, président de la commission de la vigilance et des thérapeutiques à l'ONCD. Document officiel à l'appui, il martèle : «L'Afssaps écrit bien que le produit utilisé est reprotoxique, c'est-à-dire néfaste pour la fertilité. Dans leur communication, les bars à sourire assurent ne pas faire usage de peroxyde d'hydrogène. C'est faux, ils ont trouvé un subterfuge en employant du perborate de sodium. Sauf qu'au contact de l'eau, il libère du peroxyde d'hydrogène ! Il faut savoir que c'est un composant utilisé dans les lessives… Je me demande ce qu'attend la DGCCRF * pour fermer ces centres.»
Les services de la DGCCRF expliquent avoir contrôlé plusieurs bars à sourire et effectué des prélèvements. «Il n'a pas été trouvé de présence de peroxyde d'hydrogène mais l'étiquetage n'est pas toujours conforme à la réglementation des produits cosmétiques, et omet de faire figurer des mentions obligatoires», communiquent-ils.
«Si nos produits étaient dangereux, on aurait été fermés sur-le-champ, s'indigne Yann Toledo, cofondateur de Point Sourire, sur le point d'inaugurer une quatrième boutique à Paris. Nous précisons toujours à nos clients que nous ne remplaçons pas leur dentiste. La campagne de lobbying de ces derniers est basée sur le fait qu'il y a encore beaucoup de guignols dans notre profession. Chez nous, tous les franchisés suivent une formation supervisée par un dentiste référent.» Selon lui, Point Sourire se borne à encadrer des gens qui s'auto-administrent un produit en vente libre. «On ne leur touche pas la bouche. À la moindre douleur, on arrête. Nous refusons les femmes enceintes, celles qui allaitent, ou les gens sous certains traitements médicaux.» Sa conviction est que les dentistes s'inquiètent surtout de le voir empiéter sur leurs plates-bandes.
L'ONCD, lui, se défend de toute arrière-pensée : «Nous sommes dans une démarche de santé publique. Ce qui nous préoccupe, c'est de devoir réparer les dégâts derrière», répond Alain Moutarde.
Efficace, pas efficace... Ceux qui ont tenté l'expérience et la relatent sur des forums ont des avis divergents. «Ça ne marche pas, je suis sortie avec une crampe à la mâchoire sans parler du goût infect du gel qu'ils mettent dans la gouttière», témoigne une femme. «Quatre heures après mes dents ont repris leur couleur initiale», raconte une autre. Mais d'autres se déclarent ravies du résultat. «C'est un acte naturel, très utile juste avant de sortir ou lors d'un rendez-vous», ajoute même l'une d'elles. Difficile de trancher pour l'instant.
* Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.
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