L'ecstasy attaque le cœur, comme le Mediator
Publié par MedeSpaceNews le Mars 10 2012 13:38:59
Cette drogue, présentée à tort comme récréative, provoquerait une altération des valves cardiaques.

Il y a deux ans, un jeune homme de 33 ans était hospitalisé en urgence à la clinique des Cèdres de Toulouse pour des douleurs thoraciques, un essoufflement, une grande fatigue. Après une batterie d'examens, et notamment une échocardiographie, il s'est avéré que ce patient souffrait d'une altération importante des valves mitrales. Après interrogatoire, le malade en question s'est révélé être un toxicomane consommant régulièrement de l'ecstasy.

Dans un article publié cette semaine sur le site Internet du British Journal of Clinical Pharmacology (1), les cardiologues de la clinique, avec l'équipe d'addictovigilance du CHU de Toulouse, annoncent que l'altération des valves cardiaques dans ce cas est consécutive à la prise d'ecstasy. Et que les lésions observées sont similaires à celles produites par le Mediator. Cette publication devrait contribuer à alerter les consommateurs d'ecstasy des risques cardiaques qu'ils encourent.
Plusieurs comprimés par semaine depuis plusieurs années

Contrairement au discours véhiculé par les marchands de drogues illicites, l'ecstasy est un produit dangereux. Des effets neurologiques ont déjà été décrits. Mais pour la première fois, un impact sur le cœur vient d'être découvert. Cette première observation devrait contribuer à prendre la mesure du phénomène en renforçant la vigilance.

Le jeune homme consommait plusieurs comprimés d'ecstasy par semaine depuis plusieurs années, a-t-il expliqué aux deux cardiologues, Guillaume Montastruc et Philippe Vigneux, de la clinique des Cèdres, qui l'interrogeaient à la recherche de prise de médicaments comme le Mediator, susceptibles d'expliquer cette altération des valves mitrales, exceptionnelle à cet âge-là. Rien sur le plan des médicaments, juste cette prise d'ecstasy. C'est en opérant le malade pour la pose de prothèses valvulaires que les chirurgiens eurent la grande surprise de constater que ses valves mitrales présentaient les mêmes altérations (des lésions bourgeonnantes) que celles observées sur les valves de certains patients ayant pris du Mediator.

Contacté, le centre d'addictovigilance de Toulouse a confirmé que l'on pouvait retenir l'imputabilité entre l'ecstasy et la maladie. Le Pr Patrick Bruneval, meilleur expert français d'anatomopathologie en la matière (hôpital Georges-Pompidou, Paris) a confirmé, après avoir examiné les prélèvements, que les lésions étaient typiques de celles provoquées par le Mediator et de manière générale par les médicaments de la famille des fenfluramines. Aucun autre facteur de risque n'a pu être mis en évidence.
Études systématiques

«C'est la première observation clinique d'un lien entre valvulopathie et ecstasy, assure le Pr Jean-Louis Montastruc du centre de pharmacovigilance de Toulouse. Des données expérimentales ont déjà mis en évidence que l'ecstasy pouvait induire des anomalies cardiaques. En Belgique, il y a quelques années, un médecin avait suggéré, après avoir réalisé des échographies cardiaques systématiques chez des toxicomanes, un risque accru de valvulopathie, sans être certain de l'association. C'est la première démonstration totale du lien entre ecstasy et valvulopathie.»

L'ecstasy, qui aurait des similitudes structurelles avec les amphétamines, agirait sur le même récepteur sérotoninergique au niveau du cœur que le Mediator et les fenfluramines. Par ailleurs, cette substance attaquerait aussi les neurones sérotoninergiques du cerveau, avec des risques neurologiques à long terme. Cette observation devrait conduire à rechercher la prise d'ecstasy chez les personnes souffrant de maladies des valves cardiaques. Et à mener des études systématiques sur ce sujet afin d'évaluer plus précisément le risque. Enfin, il faut désormais sensibiliser encore plus les jeunes aux dangers de l'ecstasy, présenté comme une drogue récréative, mais qui peut avoir des conséquences désastreuses sur l'organisme. Près de 800.000 personnes auraient expérimenté ce produit en France, et notamment 3,8 % des 24-35 ans, selon un rapport de l'Observatoire des drogues et des toxicomanies de 2008.

lefigaro.fr