50 % de médicaments sont inutiles
Publié par Administrateur le Septembre 15 2012 16:15:48
Deux professeurs de médecine, Bernard Debré et Philippe Even, publient un guide des médicaments dans lequel ils affirment qu'un médicament sur 2 est inutile et 1 sur 20 potentiellement dangereux.
Nouvelles étendues
La France, toujours citée parmi les pays consommant plus de médicaments que de raison, voit paraître un nouvel ouvrage alarmiste sur sa situation pharmaceutique. Dans leur Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles et dangereux, Bernard Debré, chirurgien et député UMP, et Philippe Even, pneumologue, s'attaquent aux inefficacités du système français. Trop de molécules sans intérêt, voire nocives, sont tolérées sur le marché français et remboursées, notamment pour protéger l'industrie pharmaceutique hexagonale, dénoncent-ils. Le tout contribuant, selon eux, à plomber les comptes de l'Assurance-maladie.
Le livre recense ainsi «50% de médicaments inutiles, 20% de mal tolérés, 5% de “potentiellement très dangereux”». Ils en extraient une liste de 56 médicaments à suspendre immédiatement.
L'analyse des deux professeurs de médecine reçoit un accueil mitigé parmi les experts français en pharmacologie. Ceux-ci reconnaissent à l'ouvrage le mérite de soulever des problèmes structurels régulièrement dénoncés depuis une vingtaine d'années: trop de produits inefficaces conservent leur autorisation de mise sur le marché, les consultations des médecins débouchent trop souvent sur des ordonnances inutiles, par réflexe culturel. Mais toutes les conclusions de ce guide colossal - 900 pages, d'une utilisation pas forcément évidente pour le grand public - ne sont pas forcément partagées.
«Des erreurs»
«Il y a dans ce livre beaucoup de choses vraies, mais aussi de choses fausses», déplore ainsi le Pr Jean-François Bergmann, vice-président de la commission d'autorisation de mise sur le marché à l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), et chef de service de médecine interne à l'hôpital Lariboisière. «C'est vrai qu'il y a trop de médicaments redondants (n'apportant pas de réelle amélioration par rapport à la version ancienne, moins chère, NDLR), que la politique du générique n'est pas claire et que le prix de certains médicaments est disproportionné par rapport à leur efficacité. Mais les auteurs font aussi des erreurs. Contrairement à ce qu'ils disent, je considère l'Avastin (anticancéreux) comme un produit important, de même que le Byetta (antidiabétique), alors qu'eux souhaiteraient les suspendre. À l'inverse, ils citent comme produit d'excellence le Sintrom (antiacoagulant) que plus personne ne recommande depuis vingt ans. Leur livre reflète également une méconnaissance du circuit du médicament. Le tout n'inspire pas confiance.»
Pour Jean-Louis Montastruc, professeur de pharmacologie médicale à Toulouse, «il ne faut pas diaboliser les médicaments, qui soignent quand même beaucoup de maladies». «Un médicament s'inscrit toujours dans un contexte: il est donné à un patient avec une pathologie, un âge, des antécédents, qui permettront au médecin d'en estimer les bénéfices au regard des risques, rappelle-t-il. Car n'oublions pas qu'un médicament n'est jamais inoffensif. Sinon, cela voudrait dire qu'il est sans effet.»
Mieux informer les médecins
Avec le Pr Bergmann, il partage le sentiment qu'un effort doit être fait par les autorités sanitaires pour mettre à disposition des médecins une information indépendante sur les médicaments, quasi inexistante en France. «Actuellement, les praticiens de ville sont essentiellement informés par les visiteurs médicaux payés par les laboratoires.»
Le Leem, fédération professionnelle des industriels du médicament, a pour sa part déploré mercredi soir des «amalgames et approximations» qui «contribuent à alarmer inutilement les malades et risquent de les conduire à arrêter de leur propre chef des traitements pourtant adaptés aux maladies dont ils souffrent».