Nouvelles stratégies contre la carie dentaire
Publié par hammar le Décembre 06 2012 09:16:22
Outre l'hygiène, la prévention passe par le dépistage de l'hypominéralisation.


Nouvelles étendues
Difficile de mesurer à quel point l'état dentaire des enfants s'est amélioré en France en l'espace de quelques décennies. En 1964, un enfant de 12 ans avait en moyenne 12 caries, contre 4,24 en 1987 et seulement 1,6 en 2007. Les raisons de ce recul? L'essor de la prévention par l'hygiène dentaire et le brossage au moins deux fois par jour, et surtout l'apport en fluor, par voie générale chez les enfants à risque ou par voie topique, grâce au dentifrice. Mais, selon plusieurs experts réunis vendredi à Paris, il reste une marge de progrès pour réduire encore l'impact de la carie chez l'enfant.

Pour le Dr Jean-Patrick Druo, qui préside la Société française d'odontologie pédiatrique, le dépistage et le traitement des hypominéralisations des molaires et des incisives devrait être plus attentif. Plus connu sous le nom de MIH, ce défaut de minéralisation touche les enfants de 6 ans lorsque apparaissent les molaires puis les inci­sives définitives. Il est en augmentation, avec 5 à 15% des enfants atteints en Europe, beaucoup plus dans certains pays. Or, les MIH font le lit des caries.

Si l'aspect inesthétique de ces taches blanches ou jaunes préoccupe les parents, ils ne savent pas toujours qu'elles sont surtout un signe de fragilité. «Ces dents présentent une anomalie de structure, parfois repérable dès qu'elles percent la gencive. Moins minéralisé, leur émail est moins résistant, ce qui favorise la carie. Elles sont aussi hypersensibles, donc plus difficiles à soigner, explique-t-il. La sévérité de l'atteinte varie d'un enfant à l'autre, d'une dent à l'autre. Celle-ci peut se limiter à quelques taches, mais l'émail peut aussi être presque inexistant et la dent avoir tendance à s'effriter.» Plus les molaires sont atteintes, plus les incisives le seront.
Une brosse souple et un dentifrice adapté

C'est une maladie mutifactorielle dont on connaît mal les causes. «Si les médicaments durant la grossesse n'ont aucun rôle, 80% des enfants qui ont souffert d'hypoxie à la naissance et 60% des prématurés de petit poids sont atteints. L'environnement de l'enfant après la naissance semble aussi déterminant. Les polluants environnementaux, dont certains passent aussi dans le lait maternel, les maladies infectieuses de la petite enfance, les carences en calcium et en vitamine D, les rhinites ou otites à répétition, sont associés à un risque accru», explique le spécialiste. Le dentiste doit évaluer tôt ces facteurs de risque, l'examen dentaire à 6 ans, obligatoire, devrait donc être mieux promu. «Les dents abîmées doivent être traitées dès leur apparition: il s'agit de les désensibiliser et de les reminéraliser au moyen d'un vernis à haute teneur en fluor. La prévention des caries repose sur le brossage avec une brosse souple et un dentifrice fluoré adapté à l'âge, ainsi que sur l'obturation des sillons dentaires qui sont des points de fragilité», ajoute-t-il.

Autre facteur de risque méconnu, les appareils d'orthodontie multibagues pour redresser les dents: ils multiplient par 30 le risque de carie et justifient une surveillance renforcée des dents. En revanche certaines idées fausses méritent d'être rectifiées. Le Pr Michel Sixou, doyen de la faculté de chirurgie-dentaire de Toulouse, s'y est employé en insistant sur l'importance de l'écosystème buccal dans la prévention des caries. «La bouche est une porte d'entrée, une zone de contact entre l'extérieur et l'intérieur. Il faut un filtre puissant pour empêcher l'arrivée des bactéries pathogènes, qui sont rares, peu nombreuses.

Ce filtre, c'est l'écosystème bactérien de la bouche, dont il faut préserver l'équilibre et la diversité», relève-t-il, «Le staphylocoque doré, grand responsable de la carie, va proliférer seulement dans des conditions favorables. Or le sucre favorise sa croissance, donc sa production de métabolites qui vont amorcer la déminéralisation de la dent et le processus de carie.» Le problème - du moins, dentaire - n'est pas que les enfants mangent du sucre: c'est qu'ils doivent se brosser ensuite les dents pour l'éliminer et empêcher l'adhésion, la prolifération de cette bactérie. Préserver cet écosystème buccal, c'est aussi choisir un dentifrice adapté. «Donc surtout pas de dentifrice très antibactérien ou contenant des produits actifs si la bouche est saine, pour ne pas le modifier.» L'essentiel est la qualité du brossage, avec une brosse qui ne se prête pas et se change souvent.

Derrière la moyenne de 1,6 carie par enfant, la moitié des enfants de 12 ans, plutôt de milieu aisé, n'ont aucune carie, tandis que 20%, pour l'essentiel issus de milieux défavorisés, concentrent 80% des caries, soit 4,83 caries par enfant. Là encore, la marge de progrès est notable.