Prendre ses médicaments à la bonne heure
Publié par hammar le Juillet 24 2015 14:18:22
Certains produits sont plus efficaces et mieux tolérés le matin, d'autres le soir.
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Certains produits sont plus efficaces et mieux tolérés le matin, d'autres le soir.
Y a-t-il un horaire idéal pour prendre son traitement contre la tension artérielle ou les allergies ? Encore mal connue des patients et de leurs médecins, la chronothérapie vise à déterminer le meilleur moment pour administrer un médicament en vue d'augmenter son efficacité ou de minimiser ses effets secondaires.
La dernière étude en date, publiée dans le Journal du collège américain de cardiologie, concerne les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC), une famille de molécules - dont le chef de file est le captopril - largement prescrites dans l'hypertension artérielle et l'insuffisance cardiaque. Grâce à une série d'expériences sur un modèle de souris, Tami Martino (université de Guelph, Canada) et ses collègues concluent que c'est lorsqu'ils sont injectés à l'heure du coucher que les IEC ont l'effet le plus puissant sur la fonction cardiaque. À l'inverse, l'efficacité d'une prise matinale est du même niveau que le placebo. Le cerveau n'est donc pas le seul organe à fonctionner avec des cycles veille/sommeil. «Des horloges moléculaires existent apparemment dans pratiquement toutes les cellules, et elles ont un impact sur des fonctions biologiques fondamentales, écrivent les auteurs. Nos travaux confortent l'idée que le cœur (et ses vaisseaux) se remodèle pendant la nuit et qu'il est important de tenir compte de ce rythme pour les traitements à visée cardiaque.»
Faut-il dès lors conseiller à tous les cardiaques traités par IEC de les prendre au coucher ? «Ce ne serait pas illogique, réagit le Pr Nicolas Danchin, cardiologue et chef de service à l'Hôpital européen Georges-Pompidou, à Paris. Pour ma part, j'ai déjà tendance à prescrire les médicaments de cette famille plutôt le soir, depuis les résultats d'un essai clinique chez des coronariens et des diabétiques (appelé Hope, NDLR) qui allaient dans le même sens, mais ce n'est pas une règle absolue.» Globalement, selon ce spécialiste, les cardiologues sont assez peu sensibilisés à la chronothérapie, d'autant que les données cliniques dans ce domaine sont plutôt rares. «Un autre essai a suggéré que les statines (famille de médicaments anticholestérol, NDLR) sont plus efficaces en prise nocturne, mais cela demande confirmation», précise encore le Pr Danchin.
«Un système simple et peu coûteux»
C'est sans doute en cancérologie que l'expérience clinique est la plus développée, et là que «le bénéfice lié à l'heure d'administration du traitement a le plus de retentissement pour la qualité de vie et la vie des patients» insiste le Dr Francis Levi, directeur de l'unité rythmes biologiques et cancers de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (U776-Inserm). Les travaux de son équipe ont permis d'établir que le 5 fluoro-uracile (une chimiothérapie très utilisée dans les cancers digestifs) est jusqu'à cinq fois moins toxique quand il est perfusé avec un débit maximal à 4 heures du matin, plutôt qu'à 16 heures. Cette stratégie optimale n'est cependant pas appliquée dans tous les hôpitaux, faute, jusqu'ici, «d'un système simple et peu coûteux d'administration chronomodulée», justifie le Dr Levi.
«On commence enfin à prendre en compte la dimension chronothérapeutique, notamment en cancérologie et en chirurgie cardiaque», estime de son côté le Dr Marc Schwob, psychiatre et spécialiste de la douleur. Son ouvrage, intitulé Les Rythmes du corps (Éditions Odile Jacob), fourmille d'exemples de médicaments courants qu'il serait préférable de prendre plutôt le soir (tels les antiallergiques ou l'aspirine) ou au contraire le matin (comme les anti-inflammatoires non stéroïdiens ou les tranquillisants destinés à traiter l'anxiété chronique…).
«Toutes ces recommandations reposent sur des données cliniques», affirme le Dr Schwob. Mais plusieurs médecins et pharmacologues interrogés par Le Figaro restent dubitatifs.